Les personnes qui viennent consulter le plus souvent sont confrontées à des préoccupations professionnelles où l’histoire dominante qu’elles recomposent est imprégnée d’empêchements, de contraintes et de problèmes, à saturation.
Pour raconter leur quotidien, elles agrègent certains événements du présent et du passé qui « collent » au thème univoque de leur histoire et rejettent toute trace qui ne la corrobore pas. Remarquent-elles les moments où la timidité a été évacuée, l’incapacité à s’organiser oubliée, la maladresse absente, l’autoritarisme volatilisé ?
Sous l’emprise du « problème », sans recours pour y faire face, s’installe un sentiment d’échec. Les conclusions globalisatrices, en simplifiant la complexité de l’expérience, amenuisent la perception des compétences, des savoirs, des capacités et ferme le chemin des possibles.
L’approche narrative considère que les problèmes sont situés à l’extérieur de la personne. Mis à distance ils évoluent comme des personnages avec qui le sujet serait en interaction certes contraignante mais nullement le reflet d’une seule identité fixe et intangible.
L’intentionnalité narrative échafaude des conversations où la personne réoccupe la place du metteur en scène, en même temps auteur et acteur principal des actes de sa vie.
La proposition narrative fait surgir des histoires préférées. Elle accompagne le client afin qu’il s’approprie un récit nouveau dégagé de l’histoire où il s’englue et de toute pression normative. Elle déploie les valeurs du client, ses croyances, ses espoirs, ses rêves, ses engagements, son éthique pour retrouver de la capacité à agir, du choix, de l’autonomie. Elle installe le sujet dans de nouvelles options identitaires ouvertes.
Nous l’encouragerons à articuler les fines traces d’une histoire de substitution qui se présentent en filigrane de son récit ; à les étoffer, à les relier entre elles en séquences, à travers le temps, à trouver le thème personnel qui leur donne du sens.
Cette dramaturgie de l’intime comble les vides entre des événements qui n’avaient pas été vus ou reliés. Elle leur donne un sens nouveau et ce sens lui permettra de tirer de nouvelles conclusions, d’ouvrir large le champ des possibles.
En approche narrative, nous questionnons, conjecturons, mêlant curiosité et perplexité. Nous sollicitons l’anecdote et le sens, la description étoffée, l’implicite dans l’énoncé, le relief dans le plat, l’extraordinaire dans l’ordinaire et mettons à jour l’insolite dans le monotone.
En restituant la complexité de l’expérience, sa richesse, en dé-construisant l’évidence compacte, il devient possible d’étoffer d’autres histoires revitalisantes, de laisser de côté l’histoire dominante, qui peut alors perdre de sa prégnance au profit d’une histoire préférée.
Les Pratiques Narratives ouvrent un espace conceptuel qui lie l’anthropologie culturelle américaine, la philosophie critique française, la sociologie et des gestes professionnels précis. Ce modèle se construit dans la métaphore littéraire.
L’Approche Narrative amplifie les capacités d’intervention et d’initiative du professionnel et aide à dénouer les situations complexes. Elle inscrit et ancre les effets de l’accompagnement dans la durée car elle relève « la beauté et la dignité de la vie de nos clients qui ont besoin d’une histoire revisitée de leur passé digne de leur présent ».
Henri Perilhou, Magali Thoraval et Philippe Martin