Comme le répétait le consultant américain Peter Drucker, les équipes authentiques qui nous fascinent parfois sont une véritable utopie vivante, c’est à dire une réalité idéale.
Dans les exercices qu’affectionnent les formateurs et les consultants, fonctionner en équipe paraît cependant assez simple : il faut s’écouter, respecter les idées et modes opératoires des autres, suivre un leader et avoir un minimum de sens du collectif. Mais ces jeux qu’ils proposent aux entreprises, de courte durée et entre des gens réunis pour cette démonstration peinent à faire changer les comportements dès qu’on revient à la vie réelle.
Pourquoi donc ?
Pour deux raisons : l’environnement des entreprises s’y prête peu et le fonctionnement individuel est plus prégnant que le fonctionnement collectif.
Autant, il est facile de fonctionner en équipe sur des tâches simples, répétitives et peu étalées dans le temps, autant cela devient plus compliqué dans la durée. Faire la chaîne, s’allier pour un effort, trouver une idée sont des actes pour lesquels se mettre en équipe est naturel, facile et porteur. En revanche, fonctionner ensemble sur le long terme est plus difficile car cela requiert toute une série d’unités : unité de temps, de rythme, unité de normes et conformité des comportements attendus des uns vis à vis des autres.
Le fonctionnement individuel n’a pas, lui, ces inconvénients car tout s’y fait selon son propre mode opératoire et ses habitudes. Nul besoin de s’adapter à l’autre, de faire des concessions ou d’adapter son organisation.
Dans le fonctionnement collectif, on se doit de ré-envisager tout cela mais de plus on peut se trouver dans une forme de concurrence interindividuelle ou un sentiment de reconnaissance insuffisante de sa contribution. L’effet démultiplicateur de l’équipe présente en effet comme corollaire un effet diviseur : chacun ressent sa contribution comme étant supérieure à ce qui lui est attribué. Par exemple, l’idée de l’un amendée par un autre laisse aux deux protagonistes le sentiment d’être l’auteur essentiel.
En un mot, dans le collectif l’Ego peut se trouver mis à mal.
C’est en soi une des deux grandes raisons de la résistance au collectif.
La deuxième provient de l’organisation
L’équipe est victime de sa puissance. Elle réclame un management plus subtil et surtout elle constitue un pouvoir avec lequel le chef doit savoir composer. Ce qui peut à son tour lui poser des problèmes d’Ego. Le management doit en effet intégrer toutes les pratiques subjectives qui s’intéressent aux équipiers, au moral, à l’ambiance et à la transparence. Alors que le manager a souvent tendance à les laisser de côté au profit des pratiques objectives liées à l’opérationnel. Même si on sait bien maintenant que la performance résulte de l’interaction des deux.
Néanmoins, les inconvénients du passage de l’individuel au collectif sont largement compensés par les satisfactions que le second apporte au premier. Le prix des deuils à faire est nettement inférieur à celui des plaisirs qu’on y trouve. Le sentiment de participer à une cause qui nous dépasse, le sentiment d’appartenance et les gratifications qu’on y trouve, le sentiment, encore, d’apprendre, de s’ouvrir et de se développer nous paient pour ce que nous avons su lâcher.
Olivier Devillard